Contact Us
Terrestrial

Zones importantes pour la conservation des oiseaux en Antarctique

Colin Harris (1)*, Lincoln Fishpool (2), Ben Lascelles (2), Katharina Lorenz (1)

(1) Environmental Research and Assessment, Coton, Cambridge
(2) BirdLife International, Cambridge
* colin.harris[at]era.gs

Il existe une quantité considérable d’informations sur les oiseaux de l’Antarctique, mais celles-ci n’ont jusqu’à maintenant jamais été rassemblées et analysées dans le but de déterminer où se trouvent les sites de reproduction les plus importants pour l’ensemble de l’avifaune.  Ces informations sont essentielles afin de mener à bien les actions de conservation nécessaires pour protéger l’avifaune des diverses menaces  identifiées en Antarctique.   Celles-ci comprennent les perturbations directement occasionnées par les visiteurs, les perturbations dues aux aéronefs ou aux véhicules, l’exposition aux polluants, l’ingestion ou les salissures causées par des débris marins, la concurrence pour les proies que les pêcheries imposent aux oiseaux, les captures accessoires accidentelles sur les lignes de pêche ou dans les filets, l’introduction de maladies venues d’autres régions du monde et les changements climatiques. De récentes études ont permis d’identifier 204 Zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO) en Antarctique, et  des informations détaillées sur le site ont été compilées pour chacune d’entre elles. Les sites ont été identifiés à l’aide de critères internationalement reconnus, appliqués dans 200 pays au cours des 35 dernières années.  La liste des ZICO constitue une base à partir de laquelle les évolutions peuvent être mesurées et les actions de conservation envisagées.

Le programme des Zones importantes pour la conservation des oiseaux avait initialement été créé par BirdLife International il y a plus de 35 ans, avec l’objectif de fournir des outils pour identifier les sites d’importance internationale en matière de conservation pour les oiseaux à travers le monde. À ce jour, plus de 12 000 ZICO dans plus de 200 pays ont été documentées et délimitées à travers le monde. L’étude actuelle a, pour la première fois, rassemblé et analysé les données disponibles sur l’avifaune de l’Antarctique (à l’exception des îles sub-antarctiques) selon les critères standards de la ZICO afin d’identifier et de décrire les sites qui possèdent des caractéristiques présentant une importance particulière pour les espèces à préserver.

L’identification de zones de l’Antarctique revêtant une importance particulière pour les oiseaux remontent aux efforts de rassemblement des données sur la répartition et la taille des populations d’espèces d’oiseaux de l’Antarctique entrepris par le  Sous-comité chargé de la biologie des oiseaux du Comité scientifique pour la recherche en Antarctique (SCAR) qui avaient débuté dès les années 1980. Les critères pour une sélection appropriée à l’Antarctique ont fait l’objet d’un accord en 2000 à Tokyo (Japon), en se basant sur les critères de désignation de la ZICO établis par BirdLife et utilisés partout ailleurs dans le monde. Le SCAR et BirdLife International ont ensuite organisé des ateliers et une première liste de ZICO a été dressée.

Les catégories utilisées pour la sélection de sites mondiaux étaient les  suivantes:

  • A1 : Espèces menacées à l’échelle mondiale.
  • A2 : Espèces vivant sur un territoire restreint.
  • A3 : Assemblages d’espèces restreints à un biome.
  • A4 : Regroupements importants à l’échelle mondiale (avec quatre sous-catégories)
    – A4i : Le site est connu pour, ou suspecté d’abriter, de façon régulière, 1% ou davantage d’une population biogéographique d’espèces d’oiseaux aquatiques grégaires.
    – A4ii : Le site est connu pour ou suspecté d’abriter, de façon régulière, 1% ou davantage de la population mondiale d’une espèce d’oiseaux grégaires, aquatiques ou terrestres.
    – A4iii : Le site est connu pour ou suspecté d’abriter, de façon régulière, au moins 20 000 oiseaux aquatiques, ou au moins 10 000 couples d’oiseaux marins, d’une ou de plusieurs espèces.
    – A4iv : Le site est connu comme, ou suspecté d’être, un goulot d’étranglement par lequel au moins 20 000 pélicans et/ou cigognes et/ou rapaces et/ou grues passent régulièrement durant la migration du printemps et/ou d’automne.

Dans cette étude, il était clair que les catégories A2, A3 et A4iv n’étaient pas applicables.  L’évaluation des sites consistait à déterminer si les colonies individuelles (identifiées comme telles dans les données sources) correspondaient aux critères d’appartenance à la liste des ZICO. Le projet, qui consiste à appliquer les critères et à reconnaître les sites, a nécessité la consultation de spécialistes du monde entier sur une période de plusieurs années.

Pour chaque site, le décompte se base sur les totaux fournis par les données sources pour des colonies individuelles. Ces colonies sont représentées dans la base de données par des points associés à un décompte. Dans certains cas, les colonies individuelles sont bien connues et définies au sein d’un emplacement spécifique, tandis que dans d’autres cas, les nombres et la délimitation spatiale de la colonie sont mal définis. Dans certains cas, l’étendue spatiale de la colonie est inconnue. Parfois, l’estimation des populations a été faite à partir de plusieurs colonies pouvant être séparées par de grandes distances (par exemple, jusqu’à dix kilomètres), bien que seul le total de la zone apparaisse dans les données sources. Dans ce rapport, les décomptes disponibles les plus récents et les plus fiables sont utilisés pour déterminer si un site correspond aux critères de la ZICO. Lorsque plusieurs décomptes récents étaient disponibles, l’un provenant par exemple d’un décompte sur le terrain et l’autre d’une analyse d’image satellite, les deux sont présentés.

Déterminer les limites des sites s’est avéré difficile. Des réglementations particulières ont été définies pour les ZICO coïncidant avec des Zones spécialement protégées de l’Antarctique ou des Zones gérées spéciales de l’Antarctique, car celles-ci constituent des zones distinctes, faisant l’objet d’un accord juridique et possédant des plans de gestion régulant les activités à l’intérieur de leurs limites. Dans les cas où les ZICO se trouvent en dehors de ces zones, sept scénarios différents ont été imaginés pour déterminer les limites. Par exemple, lorsque des oiseaux justifiant une ZICO sont connus ou sont susceptibles de se reproduire sur des îles distinctes comprises dans un groupe d’îles, et que le groupe d’îles couvre une zone de terres égale ou inférieure à 5 km2, la limite est dessinée selon le plus petit périmètre, de telle sorte que toutes les îles comprises dans le groupe sont intégrées dans la ZICO, le périmètre étant ajusté là où cela est utile afin qu’il suive la ligne côtière de l’île.  Si de nouvelles informations suggérant que les ZICO devaient être regroupées en unités plus grandes basées sur des critères alternatifs, l’analyse pouvait alors être réitérée.

Notons que pour le manchot empereur, les zones de reproduction dépendent de la qualité de la glace de mer pour une saison donnée, de sorte que ces sites varieront en taille et en emplacement d’une année à l’autre et au cours d’une saison donnée.

La liste de ZICO présentée identifie 204 sites de reproduction correspondant aux critères mondiaux de la ZICO en Antarctique (Figure 1). Les Comptes rendus du site fournis dans le rapport complet (Harris et al. 2015) décrivent pour chaque ZICO les espèces d’oiseaux présentes et leur nombre, les caractéristiques fondamentales de l’environnement local, les autres animaux présents et les problèmes de conservation potentiels. Ils fournissent en outre des références de données et de descriptions supplémentaires. Les Comptes rendus comprennent des cartes indiquant les limites des ZICO dans leur environnement local, notamment les caractéristiques géographiques importantes, les stations de recherche situées à proximité, les zones protégées situées dans les environs ainsi que des références de publications liées à ce sujet.

Figure 1. 204 Zones (de reproduction) importantes pour la conservation des oiseaux identifiées sur le continent antarctique et les îles du large.

Jusqu’ici, l’évaluation des ZICO n’a été réalisée que pour les sites de reproduction, les zones plus vastes de recherche de nourriture des oiseaux devant encore être évaluées.

Parmi les ZICO coïncidant avec des Zones spécialement protégées de l’Antarctique (ZSPA) (Tableau 1), 27 se trouvent à l’intérieure de ZSPA désignées principalement (ou au moins en partie) pour leurs valeurs  liées à l’avifaune, trois englobent ou coïncident avec des ZSPA protégées pour des raisons autres que l’avifaune, comme des valeurs historiques ou terrestres, tandis que trois autres chevauchent les limites d’une ZSPA marine. Deux sites ne répondant plus aux critères de la ZICO sont désignés ZSPA. Neuf ZICO se trouvent à l’intérieur de trois Zones gérées spéciales de l’Antarctique (ZGSA).

La Réunion consultative du Traité sur l’Antarctique a pris acte de la liste exhaustive des 204 ZICO de l’Antarctique lors de sa réunion de 2015.  La réunion a adopté la Résolution 5 (2015) qui a recommandé que les gouvernements prennent en compte les ZICO reconnues dans leur planification et dans la conduite de leurs activités en Antarctique, notamment lors de la préparation d’évaluations d’impact environnemental. Elle a également demandé que le Comité pour la protection environnementale informe régulièrement de la mesure dans laquelle les ZICO sont, ou devraient être, représentées parmi la série de Zones spécialement protégées de l’Antarctique, en particulier les zones qui pourraient être qualifiées de « colonies majeures d’oiseaux natifs en période de reproduction ».

Numéro de la ZICO Emplacement Espèces pour lesquelles les sites sont appropriés Numéro de la ZSPA/ZGSA
015 Île Powell du Sud et les îles adjacentes Manchot papou, Manchots à jugulaire, Cormoran impérial, Pétrel géant 111
020 Île Moe Manchots à jugulaire 109
044 North Foreland, Cap Melville, Lions Rump et Île Manchot, Île du Roi George Manchots à jugulaire, Manchot Adélie, Pétrel géant 151
045 Pointe Hennequin, Île du Roi George Labbe de McCormick 01
046 Baie de l’Amirauté Ouest, Île du Roi George Manchots à jugulaire, Adélie, papou 01
047 Péninsule Potter, Île du Roi-George Labbe de McCormick 132
048 Île Ardley Manchot papou 150
049 Pointe Harmony, Île Nelson Bec-en-fourreau, manchot à jugulaire 133
054 Péninsule Byers, Cap Shirreff, Île Livingston Sterne couronnée, goéland dominicain, manchot à jugulaire 126 & 149
055 Bailey Head, Île de la Déception Manchots à jugulaire 04
056 Vapour Col, Île de la Déception Manchots à jugulaire 04
081 Pointe Cierva Labbe de McCormick 134
085 Île du cormoran Cormoran impérial 07
086 Île Litchfield Labbe de McCormick 113 & 07
087 Îles Joubin Cormoran impérial 07
088 Îlot au sud de l’Île Gerlache Manchot papou 07
095 Île Avian Manchot Adélie, cormoran impérial, labbe de McCormick 117
097 L’île de l’empereur, Îles Dion Cormoran impérial 107
098 Île Lagotellerie Cormoran impérial 115
112 Svarthamaren Pétrel antarctique, labbe de McCormick 142
119 Rookerie Taylor Manchots empereurs 101
121 Îles Rookery Manchot Adélie 102
126 Monolithe de Scullin Manchot Adélie 164
128 Baie Amanda Manchot empereur 169
141 Île Haswell Manchot Adélie, cormoran impérial, labbe de McCormick 127
145 Île Ardery et Île Odbert Fulmar argenté, manchot Adélie 103
147 Péninsule Clark Manchot Adélie 136
150 Pointe Géologie Manchot empereur 120
153 Île des Manchots Manchot Adélie 166
157 Cap Denison Manchot Adélie 162
165 Cap Adare Manchot Adélie, labbe de McCormick 159
170 Seabee Hook, Cap Hallett Manchot Adélie 106
175 Pointe Edmonson Labbe de McCormick 165
176 Cap Washington Manchot empereur, labbe de McCormick 173
182 Glacier bleu à Cap Chocolat Labbe de McCormick 02
186 Plage Caughley Manchot Adélie, labbe de McCormick 116
187 Cap Crozier Manchot Adélie, labbe de McCormick 124
188 Île Beaufort Manchot Adélie, labbe de McCormick 105

Tableau 1.   Emplacement des ZICO situées à l’intérieur de ZGSA et de ZSPA.

1980

Établissement du programme de Zones importantes pour la protection des oiseaux par BirdLife International

1998

Groupe de travail conjoint entre BirdLife International et le SCAR

2000

Les critères pour l’application de la ZICO en Antarctique sont approuvés

2002

Atelier SCAR/BirdLife à Jena

2004

Atelier SCAR/BirdLife à Texel

2011

Liste des ZICO publiée pour la péninsule Antarctique

2015

Liste exhaustive des ZICO publiée pour l’ensemble de l’Antarctique

2015

La XXXVIIIe RCTA adopte la Résolution 5 (2015) reconnaissant 204 ZICO en Antarctique

Other information:

  1. J.P.Croxall,W.K. Steele, S.J.McInnes, P.A. Prince, Breeding distribution of the Snow Petrel Pagodroma nivea. Marine Ornithology23: 69-99 (1995). http://www.marineornithology.org/PDF/23_2/23_2_1.pdf
  2. R. Fijn, Important Bird Areas in Antarctica. Unpublished M.Sc. dissertation, Vrije Universiteit Amsterdam. (2005)
  3. P.T.Fretwell, M.A.LaRueP.Morin., G.I.Kooyman,,B. Wienecke, ,N. Ratcliffe, ,A.J. Fox, ,A.H. Fleming,,C. Porter,P.N. Trathan,  An Emperor Penguin population estimate: the first global, synoptic survey of a species from space. PLoS ONE7(4), e33751. doi:10.1371/journal.pone.0033751 (2012)
  4. C.M.Harris, K. Lorenz, L.D.C. Fishpool,  B.Lascelles,  J.Cooper, N.R. Coria,  J.P.Croxall, L.M.Emmerson, W.R.Fraser,  R.C.Fijn, P.Jouventin,  M.A.LaRue,  Y. Le Maho,  H.J.Lynch, R.Naveen, D.L.Patterson-Fraser, H-U. Peter,  S.Poncet, R.A.Phillips, C.J.Southwell, J.A. van Franeker,  H.Weimerskirch, B.Wienecke, , E.J. Woehler, Important Bird Areas in Antarctica 2015. BirdLife International and Environmental Research & Assessment Ltd., Cambridge. (2015) http://pal.lternet.edu/docs/bibliography/Public/515lterc.pdf
  5. J.W.Harris, E.J. Woehler, Can the Important Bird Area approach improve the Antarctic Protected Area System? Polar Record40 (213),1-9 (2004). doi:10.1017/S0032247403003322.
  6. H.J.Lynch, R. Naveen, P.V. Casanovas,  Antarctic Site Inventory breeding bird survey data 1994 – 2013. Ecology (Data Paper)94(11), 2653. doi: 10.1890/13-1108.1 (2013)
  7. H.J.Lynch, M.A. LaRue, First global census of the Adélie Penguin. The Auk 131(4), 457-66. doi:10.1642/AUK-14-31.1 (2014)
  8. P.O’B.Lyver, M. Barron, K.J. Barton, D.G. Ainley, A. Pollard, S. Gordon, S.McNeill, G.Ballard, P.R. Wilson, Trends in the breeding population of Adélie Penguins in the Ross Sea, 1981–2012: a coincidence of climate and resource extraction effects. PLoS ONE9(3), e91188. doi:10.1371/journal.pone.0091188 (2014)
  9. D.L.Patterson, E.J. Woehler, J.P. Croxall, J. Cooper, S. Poncet, H-U. Peter, S.Hunter, W.R. Fraser, W.R. 2008. Breeding distribution and population status of the Northern Giant Petrel Macronectes halli and the Southern Giant Petrel M. giganteus. Marine Ornithology36,115-24. http://www.marineornithology.org/PDF/36_2/36_2_115-124.pdf
  10. S.Poncet, J. Poncet, A survey of penguin breeding populations at the South Orkney Islands. British Antarctic Survey Bulletin No.68, 71-81 (1985).
  11. S.Poncet, J. Poncet, Censuses of penguin populations of the Antarctic Peninsula, 1983-87. British Antarctic Survey Bulletin No.77, 109-29 (1987).
  12. J.A.van Franeker, M. Gavrilo, F. Mehlum, R.R. Veit, E.J. Woehler, Distribution and abundance of the Antarctic Petrel. Waterbirds22 (1),14-28 (1999).
  13. E.J. Woehler (ed.), The distribution and abundance of Antarctic and sub-Antarctic penguins. Scientific Committee on Antarctic Research. Cambridge, UK. (1993) (weblink)