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Cryosphère

Glace de mer autour de l’Antarctique #1 : rôle physique et écologique

Kyle Clem1, Rob Massom2, Sharon Stammerjohn3, Phillip Reid4

  1. Victoria University of Wellington, New Zealand
  2. Australian Antarctic Division, Australian Antarctic Program Partnership, and Australian Research Council Australian Centre of Excellence in Antarctic Science, Tasmania, Australia
  3. Institute of Arctic and Alpine Research, University of Colorado Boulder, USA
  4. Australian Bureau of Meteorology and Australian Antarctic Program Partnership, Tasmania, Australia

Traduction: Martin Vancoppenolle

La glace de mer est issue du gel de mer. Comprenant la banquise dérivante et la banquise côtière attachée aux côtes, elle revêt une importance majeure sur le plan climatique, écologique et sociétal:

  • Elle représente une surface brillante fortement réfléchissante pour les rayons solaires (effet d’albédo), augmentant la différence de température entre l’équateur et le pôle, qui contrôle la circulation atmosphérique et océanique de grande échelle ;
  • elle influence fortement les interactions entre l’océan et l’atmosphère par son effet d’isolant thermique, et par le fait qu’elle forme une barrière physique, réduisant et/ou altérant les échanges air-mer de chaleur, de vapeur d’eau et de quantité de mouvement (énergie éolienne) qui contribue au mélange vertical de l’océan ;
  • elle contribue de manière importante à la circulation océanique globale (thermohaline) par la production d’eau froide et salée, donc dense, induite par sa formation, et conduisant par endroits à la génération d’Eau Antarctique de Fond ;
  • elle module le bilan d’eau douce de l’océan et régule les propriétés et la structure de l’atmosphère et de l’océan (y compris la stratification de la couche supérieure de l’océan et la ventilation de l’océan profond) ;
  • elle interagit avec les marges flottantes des calottes glaciaires (y compris les plates-formes glaciaires), influençant la fonte et la stabilité de la base des plates-formes glaciaires et le vêlage des icebergs ;
  • elle est un habitat majeur et un élément crucial de l’écosystème marin (voir Glace de mer autour de l’Antarctique #2) ; et
  • elle forme un substrat biogéochimique actif qui joue un rôle clé dans l’échange, le stockage et le cycle des gaz importants pour le climat entre l’atmosphère et l’océan, notamment le dioxyde de carbone (CO2), le sulfure de diméthyle (DMS) et le méthane (CH4) (voir Glace de mer autour de l’Antarctique #2).

Chaque année, autour de l’Antarctique, la glace de mer transforme une vaste zone de la surface de l’océan Austral, couvrant jusqu’à 19-20 millions de km2 à son étendue maximale en septembre (~4% de la surface de la Terre) avant de diminuer à 2-4 millions de km2 en février. Ce cycle annuel remarquable a une immense influence sur l’environnement de l’océan Austral et au-delà. La glace de mer accumule également des chutes de neige, ce qui influence considérablement ses propriétés physiques et optiques, sa croissance et sa désintégration, ainsi que ses interactions avec d’autres parties du système glace-océan-atmosphère.

Une meilleure connaissance des caractéristiques de la glace de mer antarctique et des processus, interactions et rétroactions glace-océan-atmosphère-biosphère est nécessaire pour développer et améliorer les modèles du système terrestre. Ces connaissances sont essentielles pour réduire les incertitudes actuelles de ces modèles et pour améliorer la confiance dans les projections du système des glaces de mer de l’Antarctique au cours des prochaines décennies et au-delà (voir Glace de mer autour de l’Antarctique #3), y compris ses impacts et les rétroactions couplées auxquelles elle participe. Une meilleure capacité de prévision des glaces de mer est également nécessaire pour assurer la sécurité et l’efficacité de la navigation et des activités logistiques autour du continent antarctique.

Qu'est-ce que la glace de mer antarctique ?

La glace de mer ou banquise se forme par gel d’eau de mer au voisinage de la surface de l’océan (à environ -1,8°C) et constitue une composante majeure et hautement dynamique de la cryosphère terrestre. Chaque année, la glace de mer transforme une vaste zone de l’océan Austral au sud de ~55°S (Fig. 1), sa couverture étant multipliée par plus de cinq, passant de 2-4 millions de km2 en février à 19-20 millions de km2 en septembre (soit près de 1,5 fois la superficie du continent antarctique) (Parkinson 2019). Ce faisant, la glace de mer exerce une influence majeure sur l’océan et l’atmosphère, ainsi que sur des processus physiques, biologiques et chimiques clés. Cette influence est non seulement locale et régionale, mais aussi mondiale par son impact sur le transport de chaleur global par la circulation océanique et atmosphérique (Rintoul et al., 2018 ; England et al., 2020).

La banquise antarctique diffère de son homologue de l’Arctique, en grande partie en raison du cadre géographique différent des deux régions polaires (Maksym 2019). En Arctique, la banquise couvre un océan s’étendant jusqu’au pôle largement entouré de masses terrestres ; alors qu’en Antarctique, la banquise entoure un continent (l’Antarctique) qui chevauche le pôle Sud. Ainsi, la banquise antarctique ne descend pas au-delà de 78°S, mais, cependant, n’étant pas limitée par les terres, elle atteint jusqu’à 55°S l’hiver. C’est l’océan Austral, sujet à d’importantes tempêtes avec des vents parmi les plus intenses et des vagues parmi les plus haute de la planète, qui limite l’expansion de la banquise vers le nord. Des différences d’état moyen et de saisonnalité existent aussi entre les deux régions polaires. Alors que le cycle de la glace de mer de l’Arctique est symétrique (avec des saisons de croissance et de fonte de longueur pratiquement égale), la glace de mer de l’Antarctique a une saison de fonte plus courte (5 mois) que la saison de croissance (7 mois) (Parkinson 2019). Les facteurs qui déterminent la saisonnalité de la glace de mer de l’Antarctique sont indiqués dans Stammerjohn et Maksym (2017), Eayrs et al. (2019) et Roach et al. (2022).

On peut décomposer la banquise antarctique en deux éléments principaux :

  • Les glaces dérivantes, formée de plaques de glace en mouvement constant (dites floes), sous l’influence des vents, des courants, des marées et des vagues ;
  • La banquise côtière, formée d’une bande littorale relativement étroite immobile et attachée par endroits aux côtes de l’Antarctique, aux îles et/ou aux icebergs échoués, ce qui se produit dans des eaux de moins de ~500m de profondeur (Massom et Stammerjohn 2010 ; Fraser et al., 2020).

Ces deux formes de banquise interceptent les chutes de neige qui, autrement, tomberaient directement dans l’océan. La couverture neigeuse qui en résulte modifie considérablement les propriétés physiques, optiques et biogéochimiques de la glace de mer (Sturm et Massom 2017).

La glace de mer est influencée par une interaction entre processus dits thermodynamiques (gel et fonte) et de processus dits dynamiques (mouvements et déformations de la glace dus aux vents, aux courants marins, aux marées et aux vagues) (Weeks 2010). Les processus thermodynamiques de gel et de fonte résultent d’un équilibre fin entre des effets de salinité et de température océaniques. Par exemple, l’augmentation de la stratification de l’océan de surface, suite à la fonte des ice shelves peut promouvoir le gel d’eau de mer et concurrencer ou contrer le réchauffement de l’océan (Bintanja et al., 2013 ; Pellichero et al., 2018). Les télé-connexions avec les tropiques influencent également la position et la force des cyclones et des anticyclones, modifiant la croissance / l’avancée et la fonte / le retrait de la glace de mer au niveau régional (Stammerjohn et Maksym 2017 ; Yuan et al., 2018). En outre, et en plus de la croissance / fonte locale, la quantité et les conditions de la glace de mer dans une zone donnée sont influencées par le transport zonal (advection) de la glace de mer par le courant côtier antarctique (vers l’ouest) et le courant circumpolaire antarctique (vers l’est) ; cette contribution est d’environ un ordre de grandeur plus faible que les processus locaux (Kimura et Wakatsuchi 2011).

Parmi les caractéristiques importantes de la glace de mer, on peut citer l’étendue globale, la concentration (soit la surface relative du couvert de glace dans une région donnée), les marqueurs de saisonnalité (dates d’avancée et de retrait du bord de glace, ainsi que la durée annuelle d’englacement), les taux de formation et de fonte, la dérive, la déformation, ainsi que les épaisseurs de la glace et de neige.

Figure 1. Carte des régions examinées dans les trois résumés de Glace de mer autour de l’Antarctique (#1, #2 et #3). La concentration de la glace de mer à partir de l'étendue maximale quotidienne de la glace de mer la plus élevée enregistrée (20 septembre 2014) est également représentée en bleu, et le contour rouge est l'étendue de la glace de mer à partir de l'étendue minimale quotidienne de la glace de mer la plus faible enregistrée (1er mars 2017).

L'importance physique de la glace de mer antarctique

Couvrant jusqu’à 4% de la surface de la planète, la glace de mer de l’Antarctique a une profonde influence sur l’interaction et les processus atmosphère-océan de haute latitude, et joue un rôle clé dans le maintien du froid dans la région polaire sud. D’une part, la glace de mer augmente considérablement la réflectivité (albédo) de l’océan de surface, avec ~80-90% du rayonnement solaire entrant étant réfléchi pour la glace de mer couverte de neige par rapport à ~7% pour l’océan sans glace (Brandt et al., 2005) – ainsi la banquise couverte de neige reflète presque l’intégralité de la lumière solaire entrante pour protéger la surface de l’océan beaucoup plus sombre du chauffage direct par le soleil.

En hiver, lorsqu’il n’y a que peu ou pas de lumière dans les hautes latitudes, la banquise réduit considérablement les échanges océan-atmosphère de chaleur, de gaz à effet de serre (par exemple, la vapeur d’eau et le CO2) et d’énergie éolienne (Weeks 2010). Toute zone océanique ouverte à l’intérieur de la banquise hivernale devient un « point chaud » relatif permettant à l’océan de perdre de la chaleur et à l’atmosphère de se réchauffer (Turner et al., 2013), et à la vapeur d’eau et au CO2 d’être échangés entre l’atmosphère et l’océan. En été, lorsque la fonte/le retrait rapide se produit, la banquise empêche l’absorption par l’océan du rayonnement solaire entrant, ce qui maintient également des températures de l’air de surface plus froides. Comme la glace de mer diminue également le transfert de quantité de mouvement (énergie éolienne), elle réduit également mélange vertical dans la partie supérieure de l’océan (McPhee 1991).

L’accumulation de neige modifie considérablement les propriétés physiques et optiques de la glace de mer et influence les interactions et processus atmosphère-océan (Sturm et Massom 2017). Non seulement la neige possède un albédo parmi les plus élevés au sein des différents types de surface sur la planète (Perovich 1990), mais elle est également un fort isolant thermique, diminuant ainsi la perte de chaleur de la glace et ralentissant la croissance de la glace (Sturm et Massom 2017). Simultanément, et de manière quelque peu paradoxale, la neige contribue également à épaissir la glace en pesant et amenant le bas de la couche de neige sous la surface de la mer, ce qui entraîne des inondations et la création de neige humide, menant, une fois consolidée, à la formation de « glace de neige » sur la surface de la glace existante (Massom et al., 2001). La formation de glace de neige est un phénomène répandu mais mal quantifié autour de l’Antarctique (Maksym et Markus 2008), et qui deviendra probablement de plus en plus important dans un climat en réchauffement, car la teneur en humidité de l’atmosphère et les chutes de neige sont susceptibles d’augmenter (Massom et Stammerjohn 2010). À la fin du printemps et pendant l’été, dans certaines régions, la présence de neige épaisse peut également prolonger la saison des glaces notamment et mener à la formation de glaces pluriannuelles ou pérennes (Eicken et al., 1995).

La formation et la fonte de la glace de mer influencent fortement l’océan. Chaque hiver, lorsque l’eau de mer gèle et se cristallise en glace, elle expulse la plupart des sels, produisant une saumure dense qui se mélange vers le bas dans l’océan. Ainsi, la production de glace de mer en automne et en hiver retire de l’eau douce de l’océan, mais au printemps/été, cette eau douce est restituée lorsque la glace de mer fond. Ce cycle saisonnier redistribue le sel et l’eau douce, et est un acteur clé de la structure, de la stratification et des propriétés saisonnières de l’océan Austral et de sa circulation (Pellichero et al., 2018). Des taux particulièrement élevés de production de glace de mer et de rejet de sel et d’eau salée qui en résulte se produisent dans les polynies côtières (Tamura et al., 2016), où des ouvertures récurrentes et persistantes dans la couverture de glace de mer sont maintenues par des vents et des courants océaniques forts (Barber et Massom 2007). Dans ces régions de production de glace de mer extrêmement élevée, un mélange sur l’ensemble de la colonne d’eau peut se produire. Dans les quelques polynies principales (Mer de Ross, Mer de Weddell, Terre Adélie et Terre Mac. Robertson), cela crée une masse d’eau très froide, dense et salée connue sous le nom d’eau de fond de l’Antarctique (AABW). À son tour, l’AABW est une composante majeure de la circulation globale de retournement de l’océan (thermohaline) qui est au cœur du climat de la Terre et contribue à le réguler (Meredith et Brandon 2017). Toute diminution substantielle à long terme de la taille ou de la durée des polynies et de la production de glace de mer qui y est associée réduira la production d’AABW, ce qui ralentira la circulation thermohaline de l’océan mondial et modifiera son effet sur le climat mondial à l’échelle décennale ou centennale (Broecker 1991). La formation d’AABW est également sensible à l’augmentation de l’apport d’eau douce provenant de la fonte basale accrue des glaces et des glaciers côtiers ainsi que du ruissellement des eaux de fonte de surface (Williams et al., 2016).

La glace de mer joue également un rôle de médiateur dans l’absorption de la chaleur et du CO2 anthropogéniques de l’atmosphère (Bitz et al., 2006 ; Fogwill et al., 2020), par son influence sur la circulation, la stratification et le mélange, les gradients de température et les processus biogéochimiques de l’Océan Austral. Ceci est d’une importance climatique majeure dans un monde qui se réchauffe, car l’océan Austral à haute latitude sert de puits de chaleur et de carbone crucial pour la planète et est donc un modérateur du changement climatique anthropique (Frölicher et al., 2015).

En outre, la glace de mer joue de multiples rôles importants autour des marges flottantes de l’inlandsis antarctique. La glace de mer aide à maintenir la stabilité et la capacité de contrefort des plateformes de glace (Massom et al., 2010), contribuant ainsi à réguler le flux glaciaire dans l’océan et l’élévation du niveau de la mer qui en résulte. Elle peut ralentir l’écoulement des glaciers/réduire la perte de masse en s’accrochant aux ice-shelves, protégeant ainsi leurs marges extérieures et fracturées des vagues océaniques potentiellement destructrices (rôle rempli à la fois par la banquise dérivante et côtière) (Massom et al., 2018). Par conséquent, la débâcle de la banquise côtière (Arthur et al., 2021) ou une période d’eau libre allongée (Reid et Massom 2022) peut accroître la susceptibilité des marges des plateformes de glace au vêlage, et peut même déclencher une désintégration à plus grande échelle des plateformes de glace déjà affaiblies par la fracture, la fonte et l’amincissement, comme le sont par exemple, depuis 1995, les plateformes de glace Larsen A et B et Wilkins situées au bord de la Péninsule Antarctique (Massom et al., 2018). Dans le même temps et dans certaines régions, les processus liés à la glace de mer modulent l’incursion des eaux océaniques chaudes dans les cavités océaniques sous les ice-shelves (Khazendar et al., 2013), pour renforcer ou supprimer la fonte basale et l’amincissement des ice-shelves (Rignot et al., 2013).

La glace de mer joue également un rôle important dans les cycles biogéochimiques polaires qui sont liés aux écosystèmes, au temps et au climat, en agissant comme un réacteur biogéochimique actif à l’interface entre l’atmosphère et l’océan (Vancoppenolle et al. 2013 ; BEPSII). Ainsi, les processus physiques, biologiques et chimiques couplés qui se produisent au sein du substrat de glace de mer entraînent des flux océan-atmosphère de gaz biogènes (dont le CO₂ et le sulfure de diméthyle) qui sont des constituants actifs du système climatique. Par exemple, les aérosols atmosphériques liés au sulfure de diméthyle émis par les algues de glace et les efflorescences phytoplanctoniques des bords de glace fournissent des noyaux de condensation favorisant la formation de nuages (Charlson et al., 1987), qui régulent ensuite le bilan radiatif de surface. Cela représente un mécanisme de rétroaction potentiellement important qui nécessite des recherches supplémentaires (Goosse et al., 2018).

Enfin, la glace de mer a un impact majeur sur la navigation et les activités humaines autour de l’Antarctique, notamment la recherche scientifique par bateau, les opérations logistiques telles que le réapprovisionnement des bases (COMNAP 2015) et les activités commerciales telles que la pêche (CCAMLR) et le tourisme (IAATO). Ces activités nécessitent des informations et des prévisions (issues de modèles) précises sur la glace de mer. La prochaine génération de modèles couplés (atmosphère-océan-glace de mer) permettra de combler ce vide critique (Jung et al., 2016).

Défis

Notre compréhension du système couplé de la glace de mer de l’Antarctique – ainsi que de ses changements et de sa variabilité – est actuellement freinée par le manque d’observations adéquates des aspects clés de l’environnement de la glace de mer (notamment l’épaisseur de la glace et de la neige, et les conditions océaniques sous la glace) et des processus impliqués (Polar Research Board et al., 2017). Cette lacune critique doit être comblée par un programme coordonné d’observations transverses, intégrées et durables du système couplé glace de mer-océan Austral-atmosphère-banquise – comme le proposent Smith et al. (2019) et le système d’observation de l’océan Austral, ou SOOS (Newman et al., 2019) – ainsi que par des études expérimentales en processus, spécifiquement dédiées et transverses, combinées à la modélisation du système terrestre et à la télédétection par satellite.

Les technologies autonomes opérant sur, au-dessus et en dessous de la glace sont cruciales pour faire progresser notre compréhension de l’environnement de la banquise de l’Antarctique, et aussi pour combler le fossé d’échelle temporelle/ spatiale entre les observations détaillées in situ (à l’échelle du floe) et les observations satellitaires à résolution grossière (mais à couverture plus large) (Smith et al., 2019). L’étalonnage et la validation des produits dérivés des satellites font encore largement défaut, alors qu’ils sont cruciaux étant donné le rôle inestimable des satellites qui permettent de mesurer et surveiller la banquise antarctique, à grande échelle, sur des périodes prolongées et de façon systématique (Lubin et Massom 2006).

Si la distribution horizontale à grande échelle de la glace de mer de l’Antarctique (concentration, superficie et étendue) est mesurée de manière fiable et continue depuis l’espace depuis 1979, ce n’est pas le cas de l’épaisseur de la glace de mer et de sa couverture neigeuse (Maksym et al., 2012 ; Webster et al., 2018). Par conséquent, il n’existe aucune information de base précise sur les distributions d’épaisseur à grande échelle de la glace de mer de l’Antarctique et de sa couverture neigeuse, et encore moins sur l’évolution de ces grandeurs importantes. Les connaissances actuelles sur l’épaisseur sont largement limitées aux observations de surface et aéroportées qui, bien que détaillées et inestimables, sont clairsemées dans l’espace et dans le temps. Les altimètres radar et laser par satellite sont la clé pour combler cette lacune critique (par exemple, ICESat-2), et de nouveaux ensembles de données importants sont en train d’émerger (Paul et al., 2018 ; Kacimi et Kwok 2020), mais des défis subsistent en ce qui concerne l’étalonnage, la validation et la quantification des incertitudes (Kern et Spreen 2015).

Le manque d’informations précises sur les taux de précipitations, et de manière cruciale sur le type de précipitations, au-dessus de la zone de glace de mer de l’Antarctique est également une lacune critique dans les connaissances (Webster et al., 2018), en particulier pour comprendre son influence sur la glace de mer. Les précipitations au-dessus de l’océan Austral sont difficiles à modéliser (Boisvert et al., 2020 ; Lang et al., 2021), mais leur relation avec la glace de mer est cruciale pour comprendre les variables environnementales du contexte plus large, telles que l’accumulation de neige sur la calotte glaciaire et le bilan de masse (Wang et al., 2020).

La génération actuelle de modèles climatiques présente une aptitude relativement faible à reproduire les schémas observés de variabilité et de changement de l’étendue et de la saisonnalité de la glace de mer de l’Antarctique, du moins tels qu’observés par les satellites depuis 1979 (Hobbs et al., 2016). Ceci est dû à une combinaison de : (i) la complexité des processus hautement couplés (Polar Research Board et al., 2017) ; (ii) une compréhension et une paramétrisation incomplètes des processus interactifs et des rétroactions (Notz et Bitz 2017) ; et (iii) des déficiences dans la capacité des modèles climatiques à simuler correctement les schémas de circulation atmosphérique à grande échelle qui influencent la glace de mer (Liu et al. 2002). Cela limite à son tour considérablement notre capacité à prévoir la trajectoire future probable de l’environnement de la glace de mer de l’Antarctique et les effets locaux à mondiaux des changements de ses caractéristiques (voir Glace de mer autour de l’Antarctique #3).

  • La glace de mer a une influence majeure sur le climat de l’hémisphère sud et du monde entier ;
  • Elle joue un rôle crucial dans la modération du bilan énergétique mondial et dans les interactions entre l’océan, l’atmosphère et la couche de glace ; et
  • Des observations plus détaillées sont nécessaires pour calibrer les mesures satellitaires de la glace de mer et pour améliorer la compréhension, au niveau des processus, des interactions complexes au sein de l’environnement de la glace de mer ; ces deux éléments sont nécessaires pour améliorer les simulations des modèles climatiques et leur capacité de prédiction de l’environnement de la glace de mer et du système climatique mondial (voir Glace de mer autour de l’Antarctique #3)

Other information:

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