Craig Herbold (1), S. Craig Cary (1), Laurie Connell (2), Peter Convey (3), Ceisha Poirot (4)
En Antarctique les environnements géothermiques ont une valeur intrinsèque du point de vue écologique et scientifique. Il s’agit des points chauds et humides, endroits distincts au milieu d’un paysage glaciaire et sec, qui hébergent des habitats de diverses espèces dont certaines se rencontrent nulle par ailleurs sur Terre. Le long des cycles glaciaire-interglaciaire, ces milieux ont pu servir de refuges pour diverses mousses et communautés d’invertébrés, jouant ainsi le rôle crucial de stabilisateurs des populations des zones non géothermiques pendant de longues périodes. Cependant les caractères uniques de ces sites les rendent vulnérables à deux risques principaux : les dommages physiques, mais aussi la contamination biologique par des espèces exogènes. Afin de faire face à la nécessité de gérer les activités ayant l’impact le plus fort sur les habitats géothermiques de l’Antarctique, le SCAR a établi un Code de Conduite, adopté par les différentes parties aux Traité sur l’Antarctique.
Les milieux géothermiques en Antarctique sont associés à quatre volcans dont trois (Mts Erebus, Melbourne et Rittman) se situent en Terre Victoria, le quatrième, Ile de la Déception, se trouvant aux Iles Shetland du Sud [1,2]. D’autres environnements géothermiques existent peut-être auprès de trois autres volcans peu accessibles, le Mt. Hampton, le Mt. Kauffman et leMt. Berlin [3,4,5]. Des milieux semblables existent sur des îles volcaniques dans l’océan Atlantique Sud et dans l’océan Indien, et les sites répartis le long de la dorsale de la Scotia ont une pertinence particulière en ce qui concerne les zones maritimes de l’Antarctique [6].
Sur ces sites antarctiques, l’air est chauffé par l’activité géothermique souterraine, puis l’eau s’échappe par la surface en forme de vapeur riche en dioxyde de carbone. Ce processus remodèle souvent la couverture de neige et de glace, et d’autres structures apparaissent : grottes de glace, hummocks glaciaires et cheminées de glace [7]. Aux profondeurs de ces milieux volcaniques et oligotrophes la lumière manque souvent et il fait sombre. C’est l’énergie chimique qui fait fonctionner l’écosystème [8,9]. Les gaz souvent présents dans ces milieux contiennent jusqu’à 3% de CO2 (par rapport à 0,04% dans l’atmosphère) et l’humidité relative est élevée [10], mais le méthane et l’hydrogène sulfuré sont absents [11]. Lorsque la chaleur est forte la glace sus-jacente est susceptible de fondre et de disparaître. Cela crée des étendues de terrain dépourvues de glace, chaudes, et ponctuées de fumerolles dégageant de la vapeur. Sur ce genre de sites, on trouve diverses mousses, algues et cyanobactéries qui développent des écosystèmes complexes et spatialement structurés [6, 12,13, 14, 15, 16].
Des études antérieures suggèrent que certaines espèces endémiques de microbes existaient à l’origine dans les milieux géothermiques de l’Antarctique [12,17]. Or, les nouvelles techniques en biologie moléculaire démontrent que les microbes, endémiques comme cosmopolites, vivent au sein de communautés fortement structurées qui correspondent aux conditions dominantes de température et de composition chimique des sols [8, 9, 16, 18, ]. Cependant la présence de microorganismes cosmopolites du sol dans certains milieux géothermiques, comme à Tramway Ridge sur le Mt. Erebus (ZSPA 175), suggère une arrivée probable par transport atmosphérique des particules. De telle sorte que les habitats géothermiques auraient pu fournir une banque persistante de propagules pour de telles espèces qui auraient ensuite repeuplé les zones froides et sans glace formées entre les maximums glaciaires, stabilisant ainsi au fil des temps géologiquesles diverses populations [19].
Les microorganismes se trouvant en zones géothermiques libres de glace forment des croûtes et des tapis, fragiles et facilement endommagés, sur la surface du sol [12,13]. Il est clair également que les activités humaines ont favorisé l’introduction d’espèces exotiques dans les milieux antarctiques, y compris les endroits influencés par l’activité thermique [8, 20]. Pour conserver la valeur intrinsèque et scientifique des habitats géothermiques il est primordial de les garder dans un état aussi vierge que possible. En effet, la présence d’espèces non indigènes déprécie leur statut de laboratoires naturels. Dans le meilleur des cas, les espèces nouvellement introduites vont simplement s’ajouter à la communauté. Au pire, ils remplaceront ceux qui sont endémiques. Dans les deux scénarios, la communauté sera altérée à jamais.
En ce qui concerne la protection, des protocoles reconnus au niveau international ont été établis pour une Zone gérée spéciale de l’Antarctique (ZGSA 4 Ile de la Déception), deux Zones spécialement protégées de l’Antarctique (ZSPA 140 et ZSPA 175), avec un Code de Conduite provisoire pour les grottes de glace géothermiques sur le Mt Erebus. Pour la ZGSA de l’Ile de la Déception des Codes de Conduite et des règles de biosécurité sont établis, avec certains sites terrestres d’activité géothermique qualifiés de Sous-zones des ZGSA. A Tramway Ridge, sur leMt Erebus, et au sommet du Mt Melbourne (ZSPA 175) tout visiteur qui entre la zone doit porter des équipements de protection stérilisés. Un contrôle strict est également imposé à l’égard de l’échantillonnage, et tous les équipements doivent être stérilisés. De plus, des zones au sein de la ZSPA sont interdites : aucun accès n’est permis jusqu’au moment où il sera convenu, par accord international, que l’accès devrait être autorisé.
Cependant certaines zones géothermiques ne sont couvertes par aucune protection officielle. C’est le cas de la grotte de glace Warren Cave sur le Mt. Erebus. Historiquement, les chercheurs n’étaient pas obligés d’utiliser les techniques stériles à l’intérieur de celle-ci. Des champignons largement répandus et associés à la peau humaine et animale y ont été détectés, ce qui indique que ces sites ont été contaminés par les activités humaines [8].
Afin de gérer les activités humaines, le SCAR a récemment élaborer un Code de Conduite au regard des opérations entreprises au sein des environnements géothermiques de l’Antarctique. Les règles de ce Code s’appliquent à toute la zone couverte par le Traité sur l’Antarctique. Il a pour but d’établir les principes et de fournir les règles et les instructions pratiques sur les procédures à adopter sur le terrain pour aider à conserver la valeur intrinsèque, écologique et scientifique, des habitats géothermiques terrestres.
2016
Le Comité pour la protection de l’environnement approuve le Code de Conduite SCAR pour les activités à l’intérieur des Zones géothermiques sur les terres en Antarctique.