Contact Us
Marine

Phoque de Ross

Brent S. Stewart

Hobbs-SeaWorld Research Institute, San Diego, California, USA. bstewart[at]hswri.org

Le phoque de Ross est l’un des quatre carnivores marins qui se reproduisent dans les habitats de glace de mer autour de l’Antarctique. Les phoques de Ross sont rarement observés car ils se reproduisent et muent dans des zones difficiles d’accès composées de glaces très encombrées et passent apparemment le reste de leur vie en pleine mer. Par conséquent, leur biologie et leur écologie sont méconnues et ils sont présumés rares. Ce manque de données ne permetttant pas d’évaluer leur population est à l’origine de l’inscription du phoque de Ross parmi les espèces spécialement protégées. Les quelques observations effectuées à partir de brise-glaces et d’avions ont permis d’estimer leur population à entre 20 000 et 220 000 individus. Sur la base d’études génétiques, le nombre de phoques de Ross en Antarctique était estimée à environ 130 400 d’après des analyses d’ADN mitochondrial et à environ 254 000 d’après des analyses de microsatellites d’ADN nucléaire. Les données génétiques suggèrent que l’espèce est en augmentation à l’échelle du temps géologique et il n’existe pas d’élément indiquant un récent déclin dans le nombre d’individus. L’espèce n’est pas chassée à des fins commerciales, et rares sont les spécimens qui ont été collectés aux fins de recherche scientifique.

Les phoques de Ross (Ommatophoca rossii; ordre des Carnivora, famille des Phocidae) vivent exclusivement dans l’hémisphère sud (1) et sortent de l’eau pour mettre bas, s’accoupler et muer sur la glace de mer saisonnière. L’espèce a été décrite en 1844 et nommée d’après Sir James Clark Ross qui a collecté les deux types de spécimens en 1840 à 68° S et 176° E dans la mer de Ross (2). Les phoques de Ross n’ont pas été régulièrement observés puisque pendant longtemps, on pensait qu’ils vivaient dans des zones où les glaces sont compactes, et où peu de navires ou d’expéditions peuvent se rendre. Dès lors, leur répartition, leur abondance, leur cycle biologique et leur histoire naturelle sont mal connus. Les jeunes naissent manifestement entre la mi-octobre et la fin novembre, tandis que l’accouplement a lieu en décembre et début janvier (3, 4, 5). Les phoques de Ross muent à partir de la fin décembre jusque sans doute mi-février, (6, 7, 8). Ils s’alimentent à une profondeur de 100 à 200 m et descendent parfois jusqu’à 400 m (9, 10, 11, 12). Sur la base de petits échantillons, la longévité maximale est d’au moins 18 à 20 ans, les mâles sont sexuellement matures à trois ou quatre ans et les femelles le sont entre deux et sept ans (1).

La répartition des phoques de Ross pendant le printemps et l’été australs semble être directement liée à la répartition et à la densité des glaces de mer.  Les phoques se reproduisent manifestement à l’intérieur de zones à latitude élevée encombrées de glace, puis se hissent pour muer à la fin de l’été sur des grandes plaques de glace plus stables à proximité de l’extrémité nord de la glace de mer. La glace de mer est un substrat essentiel pour ces animaux en période de reproduction et de mue. Des données récentes suggèrent que les phoques de Ross vivent principalement dans des habitats libres de glaces le reste de l’année (9, 11, 13) et que les phoques non reproducteurs ne se rendraient  dans des habitats de glaces de mer qu’en période de mue. Étant donné que les recensements des phoques dans ces habitats de banquise ne tiennent pas compte du nombre important de ceux qui sont dans les zones libres de glace (y compris les composantes clés que sont l’âge et le sexe), des comptages directs de phoques repérés sur la glace ne sont pas de bons indicateurs (même après correction par modélisation du comportement d’échouerie) de l’abondance de la population, ni de sa structure d’âge En raison de la répartition saisonnière apparemment complexe des phoques de Ross et de la difficulté à les observer dans leurs habitats de glace de mer, les estimations faites des populations sous estiment probablement largement la population réelle de l’espèce.

Les recensements systématiques et les estimations de l’abondance et de la densité de la population sont faibles et variables (14, 15). Quelques études régionales et une enquête circumpolaire coordonnée à l’échelle internationale ont été menées sur les populations de phocidés en Antarctique. Plusieurs études régionales ont été effectuées depuis des brise-glace (certaines avec des hélicoptères) et des avions entre le milieu et la fin du 20e siècle (13, 14, 15), renforcées par des observations opportunistes dans certaines zones (16). Une étude circumpolaire coordonnée à l’échelle internationale a été menée pendant la période estivale de 1997 à 2001 (13, 14, 15, 17). Les estimations déduites de ces études effectuées dans les habitats des phoques de Ross sur la glace de mer en divers endroits de l’océan Austral ont varié entre 20 000 et 220 000 individus (14, 15, 17), bien que celles-ci ne tiennent pas compte du grand nombre d’individus présents dans les zones libres de glace. Les estimations de la population des femelles en âge de reproduction fondées sur des évaluations génétiques (taille de population génétiquement efficace) s’élèvent à environ 130 400 sur la base des analyses d’ADN mitochondrial (18) et à environ 254 000 sur la base des relevés de microsatellites d’analyse d’ADN nucléaire (19). La population totale de l’espèce devrait être bien plus importante si les phoques immatures, les femelles non reproductrices et les mâles adultes étaient comptabilisés. Les données génétiques indiquent qu’il n’existe pas de différence génétique entre les populations (20)  et que l’espèce a augmenté au fil du temps, sans indication de baisses récentes des effectifs (18).

Des études plus systématiques à des moments clés de l’année (d’octobre à novembre) sont nécessaires pour obtenir de meilleures données sur la répartition et l’abondance de l’espèce. Les données limitées qui sont disponibles ne suggèrent pas que la vitalité de l’espèce soit actuellement menacée. Les habitats d’alimentation des phoques de Ross pendant la saison de non reproduction sont encore peu connus, mais des données récentes (9, 11, 14) suggèrent que ce sont des environnements mésopélagiques pendant une grande partie de l’année dans les secteurs situés au nord des zones de glace de mer qui chevauchent celles où au moins les éléphants de mer du sud, s’alimentent également.

Les phoques de Ross n’ont jamais été chassés et il y a eu peu de collectes à des fins scientifiques. La répartition isolée et éparse des phoques de Ross, lors des périodes de reproduction et de mue, semble les protéger d’interactions directes avec les humains. Leur comportement apparemment solitaire et leur grande zone de répartition en dehors de ces périodes peut réduire les possibilités d’interactions directes avec les activités de pêche commerciale, bien que d’une intensification des opérations (en particulier dans la mer de Ross et ailleurs dans l’océan Austral) pourrait avoir des effets sur les populations de calmars et de poissons mésopélagiques qui constituent leur alimentation.

Tous les phoques de l’Antarctique sont inclus dans la Convention pour la conservation des phoques de l’Antarctique (CCAS). L’article 4 de la CCAS autorise la délivrance de permis spéciaux, en particulier aux fins de recherche scientifique, afin de prélever un petit nombre de phoques pour recueillir des informations sur le cycle biologique et l’écologie de l’espèce, lesquelles pourraient fournir des éléments justifiant des efforts de conservation et de gestion dans le cadre du Traité sur l’Antarctique. L’Annexe I de la CCAS prévoit la possibilité de récoltes commerciales en quantités limitées pour toutes les espèces sauf pour le phoque de Ross (Ommatophoca rossii) dont la capture ou l’abattage à des fins commerciales sont interdits, grâce à son statut d’espèce protégée. En 1991, le phoque de Ross a été inscrit sur la liste des espèces spécialement protégées de l’Annexe II du Protocle au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement par un simple transfert de l’Annexe A des mesures adoptées pour la conservation de la flore et de la faune de l’Antarctique de 1964. Le phoque de Ross est classé par l’UICN dans la catégorie des espèces présentant une préoccupation mineure (21).

Other information:

  1. B.S. Stewart.  Family Phocidae.  In: Handbook of Mammals of the World, Volume 4: Marine Mammals, pp. 120-183 (D. Wilson, R. Mittermeir, eds).  Lynx Press (2014)
  2. J.E. Gray. The seals of the southern hemisphere. In: The zoology of the voyage of H.M.S. Erebus & Terror under the command of Captain Sir James Clark Ross, R.N., F.R.S., during the years 1839-1843. Part I. Mammalia. Longman, Brown, Green, and Longmans, London, 2 volumes, pp. 1-8, pls 1-10 & 14-17 (1844)
  3. C. Southwell, K. Kerry, P. Ensor, E.J. Woehler, T. Rogers.  The timing of pupping by pack-ice seals in East Antarctica.  Polar Biology 26, 648-652 (2003)
  4. J.A. Thomas, D. DeMaster, S. Stone, D. Andriashek. Observations of a newborn Ross seal pup (Ommatophoca rossii) near the Antarctic Peninsula. Canadian Journal of Zoology 58, 2156-2158 (1980)
  5. E.A. Tikhomirov. Biology of ice forms of seals in the Pacific sector of the Antarctic. Rapport Reunion Conservation International Exploration Mer 169, 409-412 (1975)
  6. S.F. Ackley, J.L. Bengtson, P. Boveng, M. Castellini, K.L. Daly, S. Jacobs, G.L. Kooyman, J. Laake, L. Quetin, R. Ross, D.B. Siniff, B.S. Stewart, I. Stirling, J. Torres, P.K. Yochem.  A top-down multi-disciplinary framework for examining the pack ice ecosystem of the eastern Ross Sea, Antarctica. Polar Record 39, 219-230 (2003)
  7. J.D. Skinner, L. M. Westlin-van Aarde. Aspects of reproduction In female Ross seals (Ommatophoca rossii). Journal of Reproduction and Fertility 87, 67-72 (1989)
  8. C. Southwell. Haul-out behaviour of two Ross seals off eastern Antarctica. Antarctic Science 15, 257-258 (2003)
  9. A. Arcalís-Planas, S. Sveegard, O. Karlsson, K. C. Harding, A. Wåhlin, T. Harkonen, J. Teilmann.  Limited use of sea ice by the Ross seal (Ommatophoca rossii), in the Amundsen Sea, Antarctica, using telemetry and remote sensing data. Polar Biology 38, 445-461 (2015)
  10. J.L. Bengtson, B.S. Stewart. Diving patterns of a Ross seal (Ommatophoca rossii) near the eastern coast of the Antarctic Peninsula. Polar Biology 18, 214–218 (1997)
  11. A.S. Blix, E.S. Nordøy. Ross seal (Ommatophoca rossii) annual distribution, diving behaviour,  breeding and moulting, off Queen Maud Land, Antarctica. Polar Biology 30, 1449–1458 (2007)
  12. C.J. Southwell. Diving behaviour of two Ross seals in east Antarctica. Wildlife Research 32,63-65 (2005)
  13. J.L. Bengtson, J.L. Laake, P. Boveng, M.F.Cameron, M.B Hanson, B.S. Stewart. Distribution and abundance of Weddell, Ross, crabeater, and leopard seals in the Amundsen and Ross Seas, Antarctica. Deep Sea Research 58, 1261–1276 (2011)
  14. B.S. Stewart. Current status of the Ross seal (Ommatophoca rossii): A specially protected species under Annex II (Appendix 1).  XXX Antarctic Treaty Consultative Meeting, Scientific Committee on Antarctic Research, May 2007.  WP 27, 1-21 (2007)
  15. C. Southwell,  J.L. Bengtson, M. Bester, A.S. Blix, H. Bornemann, P. Boveng, M. Cameron, J. Forcada, J. Laake, E. Nordoy,  J. Plotz, T. Rogers, D. Southwell, D. Steinhage, B.S. Stewart, P. Trathan. A review of data on abundance, trends in abundance, habitat use, and diet of ice-breeding seals in the Southern Ocean.  CCAMLR Science 19, 49-74 (2012)
  16. J.F. Splettstoesser, M. Gavrilo, C. Field, P. Harrison, M. Messick, P. Oxford, F. Todd. Notes on Antarctic Wildlife: Ross seals Ommatophoca rossii and emperor penguins Aptenodytes forsteri.   New Zealand Journal of Zoology 27, 127-142 (2000)
  17. M.N. Bester, B.S. Stewart. The International Antarctic Pack Ice Seals (APIS) Program Multi-disciplinary Research into the Ecology and Behavior of Antarctic Pack Ice Seals Summary Update. Report to the Scientific Committee on Antarctic Research (2006)
  18. C. Curtis, B.S. Stewart, S.A. Karl.  Pleistocene expansions of Antarctic seals. Molecular Ecology 18, 2112-2121 (2009)
  19. C. Curtis, B.S. Stewart, S.A. Karl. Genetically effective population sizes of Antarctic seals estimated from nuclear genes.  Conservation Genetics 12, 1435-1446 (2011)
  20. C.S. Davis, I. Stirling, C. Strobek, D.W. Coltman. Population structure of ice-breeding seals. Molecular Ecology 17, 3078-3094 (2008)
  21. Hückstädt, L. 2015. Ommatophoca rossii. The IUCN Red List of Threatened Species 2015: e.T15269A45228952. http://dx.doi.org/10.2305/IUCN.UK.2015-4.RLTS.T15269A45228952.en.